La mémoire de notre corps

À mes yeux, l’inconscient de chaque individu n’est autre que son histoire dont la totalité est certes emmagasinée dans le corps, mais dont seules des bribes accèdent à la conscience. Le corps sait tout ce qui lui est arrivé , mais ne peut l’exprimer par des mots. Il est comme l’enfant que nous fûmes, l’enfant qui voit tout mais se trouve sans défense, impuissant, s’il ne reçoit pas l’aide de l’adulte.

Mon expérience d’accompagnante de la thérapie globale, tant la mienne que celles dont j’ai observé les effets chez mes consultants m’a amenée à la conclusion que mon corps est la source de toutes les informations vitales qui ouvrent la voie à plus d’autonomie et de conscience de soi. C’est seulement après avoir pu m’autoriser à laisser émerger les émotions si longtemps enfouies et acquis la capacité de les ressentir que je me suis progressivement libérer de mon passé.

Le corps est le gardien de notre vérité, car il porte en lui l’expérience de toute notre vie et veille à nous le rappeler. Il nous oblige, en manifestant divers symptômes à accéder à cette vérité également sur le plan cognitif, afin que nous puissions communiquer harmonieusement avec l’enfant blessé qui vit en nous.

Généralement, l’être humain n’accorde pas à son corps un intérêt particulier tant que tout « fonctionne bien ». Il s’en sert comme d’un « véhicule » qui lui permet de réaliser ce que son cerveau commande. Il n’en prend vraiment conscience que le jour où il commence à souffrir. Ces douleurs sont souvent le signe avertisseur que le corps ne peut plus porter tous les traumatismes ni tous les conflits auxquels il est soumis. En état de saturation, la structure ne parvient plus à s’adapter aux critères sociaux (dans lesquels la personne ne se sent pas en harmonie, comme l’engagement dans une vie professionnelle qui n’est pas en harmonie avec sa sensibilité), soit à des études pour lesquelles l’être n’est pas fait, soit à des situations affectives non satisfaisantes car elles ne correspondent pas aux exigences de son être profond.

Dans tous les cas, cela exige une dépense d’énergie et une concentration anormalement développées quand les goûts, les aspirations ou les sentiments ne sont pas respectés. Contraint de réaliser un projet qui n’est pas conforme à son aspiration ni à sa dimension, l’être doit oublier son corps pour cacher ses émotions. Il ne l’écoute plus. Le corps devient ainsi un esclave mais il enregistre comme une bande magnétique, toutes les contraintes auxquelles ils est soumis : ses reins gravent la peur de déplaire ou la culpabilité, son foie retient la colère contre la situation imposée, dans les poumons s’inscrit la tristesse, dans le système digestif s’imprègne le ressentiment de ne pas être compris….

Peu à peu, la structure rigidifie, ne parvient plus à aller vers la vie et commence à « craquer ». Alors se produisent selon le cas, des chutes, des maladresses, des entorses, des tendinites…. qui ne sont pas le fruit du hasard. Quelqu’u excédé par son travail tombe en passant le pied à côté de la marche d’autobus ou du bord du trottoir. Cet accident montre que la personne est en état de refus « ne veut plus avancer » : aucun traumatisme n’est anodin.

Toutes les mémoires généalogiques ainsi que les dates de conception et dates de naissance sont inscrites dans le corps.

Photo : Ivan Stern