La loyauté familiale invisible est une notion centrale de la compréhension des processus intergénérationnels. Nous naissons tous avec une dette envers nos parents, dette pour nous avoir porté, nourri, langé, éduqué, bref, pour l’amour et les oins reçus. La manière de s’acquitter de cette dette est le plus souvent verticale, c’est-à-dire que l’on redonne à nos enfants ce que l’on a reçu de nos parents. Dans chaque famille, il y a une sorte de comptabilité implicite, une balance des comptes où chacun se trouve en crédit ou en débit. Dans les familles saines, les comptes sont clairs, tenus à jour et un équilibre est atteint. Cependant, les injustices, les dettes, les préférences, les obligations non acquittées, les abus peuvent déstabiliser ce système et se répercuter de génération en génération. La distance géographique ou la fuite ne libèrent pas réellement des dettes liées à l’injustice. Cette solidarité serait une loi nécessaire à la survie de l’espèce, dominée par un principe d’équité. Voyons quelques cas où la loyauté devient complexe.
1er cas: Le parent abusif empêche son enfant de devenir adulte car il le culpabilise et l’amène à se sentir lié par des obligations et même par une reconnaissance « éternelle ». Il y a alors parentification (article à ce sujet). C’est une situation qui bloque l’évolution du jeune et paralyse la croissance de l’arbre généalogique.
2e cas Le fils d’une veuve qui clame s’être « saignée aux quatre veines » pour élever et éduquer son fils se sent obligé de tenir compagnie à sa mère et n’ose pas se marier. Il se sacrifiera à son tour pour rembourser sa dette et ne s’autorisera à vivre sa vie d’homme qu’une fois sa mère décédée.
3e cas L’un des pires conflits de loyauté qu’un enfant peut vivre est de devoir choisir entre sa lignée paternelle et sa lignée maternelle. Dans les cas de divorce et de séparation conflictuelle, l’enfant se trouve déchiré et entretient longtemps un fantasme de réconciliation entre ses parents comme pour pouvoir se réunifier lui même. ex : Fanny est issue de deux familles opposées par leurs origines sociales et leurs valeurs. La lignée maternelle, d’ascendance aristocratique, méprise l’argent et glorifie la culture, le décorum et les bonnes manières. La lignée paternelle, d’origine modeste a connu une ascencion sociale grâce aux entreprises du grand-père ; l’argent y est important et les gens bons vivants, aiment faire la fête et n’ont pas d’intérêt particulier pour la culture et les bonnes manières. Après le divorce, ces différences entre les deux familles ont ressurgi avec force et entrainé une guerre de clans. Chaque fois que Fanny passait d’un camp à l’autre tout était critiqué ; par exemple on changeait ses vêtements tout en faisant des réflexions sur « ces gens incapables d’élever correctement un enfant ». Adulte, elle a du faire de multiples thérapies pour tenter de retrouver son unité.