Les secrets de famille sont la voie royale de le répétition transgénérationnelle. Dans toutes les familles, il existe des histoires pas très claires, des informations maquillées, des secrets. Il est naturel que, face à des expériences traumatisantes, les gens réagissent en essayant d’oublier. Peut-être que le souvenir est trop douloureux et qu’ils pensent qu’ils ne seront pas capables de souffrir pour ensuite oublier. C’est une information qui n’est pas partagée par tous les membres de la famille mais seulement par un petit nombre d’entre eux, pour cacher sa honte, pour se protéger, pour ne pas blesser certains proches, pour garder la famille unie ou pour honorer une croyance. Ou peut-être que la situation compromet la dignité propre, comme dans le cas des abus sexuels : au lieu de se concevoir comme une victime, on ressent de la honte. Ou tout simplement, on veut éviter le jugement des autres. C’est pour cela que le fait est enterré et on considère qu’il ne faut plus en parler….Ce type d’oubli est artificiel. En réalité, on n’oublie pas, mais on réprime le souvenir. De même, ce qui est réprimé, est tourné et retourné dans tous les sens. C’est une répétition réprimée sans fin.
Malgré les bonne intentions, qui peuvent être à son origine, le secret n’en demeure pas moins un corps étranger dans l’inconscient familial et se révèle toujours toxique et destructeur à long terme. Garder des secrets demande beaucoup, beaucoup d’énergie. Ils sont la cause d’angoisses, d’obsessions compulsives ou de dépressions qui peuvent se prolonger sur plusieurs générations.
Cela signifie qu’une famille qui a vécu le suicide de l’un de ses membres, le revivra probablement dans une autre génération. Si à un moment donné, la situation n’a pas été creusée et digérée, il reste un fantôme flottant dans l’air, qui réapparaîtra tôt ou tard. C’est ce qui arrive avec tous les types de traumatismes. S’ils lient quelques membres de la famille, ils les isolent et entraînent automatiquement un phénomène d’exclusion des autres, brisant la solidarité et la confiance nécessaire à l’épanouissement de la famille.
« Serge Tisseron, psychiatre, s’est penché sur les effets des secrets. Pour cet auteur, un secret devient un problème lorsque nous en devenons « prisonnier ». Au lieu de garder le secret, c’est le secret qui nous met au secret, nous en sommes affectés. Le secret nous travaille sans que nous puissions nous en détacher. La fidélité transgénérationnelle se propage dans le temps ».
Quelques expressions indiquant un secret : « mon mari est un mur » ; « ma femme est une tombe » ; « dans ma famille, c’est le silence, on ne parle pas » ; « quand je pose une question, on me dit : tu es folle, qu’est ce que tu vas chercher ? » ; « dans ma famille, rien ne transparaît, on garde tout ».
Quelques cas thérapeutique:
Cas n°1 Un petit garçon de six ans dont le développement mental et les comportements correspondent à un tout-petit d’environ deux ans. Cet enfant a pourtant été examiné par de nombreux spécialistes, qui n’ont pu diagnostiquer la cause du retard. Il parle peu, ne regarde pas son interlocuteur dans les yeux et présente de nombreuses conduites agressives. Il passe bcp de temps à frapper deux objets, quels qu’ils soient, l’un contre l’autre. En questionnant sa tante, j’apprends est décédée dans un accident de voiture lorsqu’il n’avait que22 mois. Demandant quand et comment on lui a annoncé cette nouvelle, on me répond que personne ne le lui a jamais dit !! L’entourage a cru qu’il était trop petit pour comprendre ce qui se passait et l’on fait garder dans la période entourant le décès. De lus, le père, atterré par la perte brutale de son épouse, refuse depuis de parler de ce douloureux sujet. Pourtant, l’arrêt du développement de l’enfant nous indique qu’il a bien compris qu’il a perdu un lien important, vital pour son développement, et son obsession de choquer des objets entre eux ressemble étrangement à une tentative de reconstitution d’un accident, comme pour tenter de comprendre comment sa mère est morte…Il a suffit de mettre des mots sur cet épisode tragique, qui l’avait touché directement pour voir cet enfant sourire à nouveau, cesser de frapper des objets l’un contre l’autre et reprendre son évolution normale.
Cas n°2 Stéphanie, 10 ans, commet de petits larcins dans les boutiques du centre commercial et finit par se faire épingler. Les objets subtilisés ne l’intéressent pas et elle dit qu’elle ne sait pas pourquoi elle agit ainsi, que c’est plus fort qu’elle. En thérapie, sa mère craque et révèle qu’elle cache à sa fille qu’elle même a déjà fait de la prison pour vol à l’étalage.
Cas n°3 Félix, 12ans, a une fascination pour les couteaux et autres objets pointus et coupants, et tient souvent des propos morbides, bien que sa mère contrôle les films qu’il regarde et n’accepte aucune violence dans son environnement. L’entretien avec la mère révèle qu’elle cache à Félix, que son père s’est suicidé en se coupant les veines. Elle lui a plutôt laissé croire qu’il était mort dans un accident de la route. Le comportement de l’enfant nous dit clairement que son inconscient « sait » la vérité sur la mort de son père. Ne pas briser le secret augmente le risque qu’il se blesse ou même se tue un jour de la même manière que son père.
Cas N°4 Lorsqu’il a 9 ans, les résultats scolaires de Arnaud chutent brutalement et inexplicablement. Nous découvrons que son père a été licencié mais que, honteux d’avoir perdu son travail, il le cache à l’enfant et fait même semblant de partir le matin au bureau et d’en revenir le soir. Les difficultés scolaires d’Arnaud s’éclairent alors sous un nouveau jour. Tout se passe comme si l’enfant envoyait à son père le message : « Tu ne dois pas avoir honte, moi non plus je ne travaille pas! » . Le problème se résorbe dès que son père révèle le secret.
Comment faire pour sortir d’un secret ?
Il n’y a pas de fatalité dans le secret, il est primordial d’en parler, de le partager, d’en échanger sur le vécu. Cette communication évite la violence, l’effet pervers et souterrain du secret. Si les parents n’arrivent pas à formuler ce qui est caché dans la famille ( un deuil non fait, un crime, un avortement, le sexe , les maladies mentales, l’argent, les secrets de filiations etc…), je vous conseille de consulter un thérapeute. Les parents ont le droit de montrer leurs faiblesses et leurs émotions. Avec la thérapie globale, heureusement, il est possible de se libérer du poids du secret et de la culpabilité.
© 2022 Ameyo MALM@Thérapie globale